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Les origines historiques de la Pmev, M. Monot
La Pédagogie de Maîtrise à Effet Vicariant n'est à l'origine qu'une simple application des Instructions Officielles, fondée sur une option négligée de la "réforme des cycles". Ce n'est pas au sens strict une pédagogie, et à la limite rien d'autre qu'une organisation délibérément ergonomique du temps scolaire. Son nom résume sa généalogie : Pédagogie de maîtrise d'une part pour la matrice féconde du courant mastery learning ; à effet vicariant d'autre part en raison d'une paternité dérangeante, quasi illégitime sinon inconnue, peu de gens ayant entendu parler de l'apprentissage vicariant et encore moins de la plus subtile théorie des processus vicariants. Mais la PMEV est née en Nouvelle Calédonie, et ce n'est pas le simple effet du hasard : ce contexte spécifique a constitué un élément déterminant que nous pouvons essayer d'analyser.
Politiquement, la Nouvelle Calédonie sortait en 90 d'une grave situation de crise enrayée de façon superbement volontariste par les Accords de Matignon. Crise parfois violente, mais moins simpliste ou plus complexe que certains médias ne l'avaient décrite, dont tous les stigmates n'étaient pas effacés mais dont la volonté de triompher restait encore intacte.
Dans ce contexte chargé, l'école souffrait de deux maux particuliers: un absentéisme chronique de certains élèves, plus ou moins marqué selon les écoles, qui rendait la tâche des maîtres particulièrement éprouvante ; un certain malaise enseignant, qui ne résultait pas seulement de la difficulté de la tâche mais, de façon plus insidieuse, des critiques adressées au système scolaire ; le tout résultant indiscutablement d'un choc de cultures encore vivace qui n'avait pas dit son dernier mot.
Le malaise enseignant
Si le trouble était assez général dans la population calédonienne après les évènements douloureux des années 80, il prenait chez les enseignants des formes plus spécifiques.
Le rendement du système scolaire calédonien, encore très inégalitaire en première lecture si l'on considère les résultats en termes d'ethnies, ne pouvait qu'attirer la critique des observateurs extérieurs. Mais ces critiques, souvent développées hors contexte devant les instances internationales, ne pouvaient à leur tour qu'irriter et blesser les acteurs d'un système qui, compte tenu de la difficulté des problèmes de leur tâche et du sérieux avec lequel la plupart d'entre eux l'abordaient, s'identifiaient à leur fonction.
Pourtant, rarement conscience professionnelle et conscience politique n'auront été aussi subtilement solidaires que chez les instituteurs rencontrés en Nouvelle Calédonie à cette époque. Phénomène discret mais bien réel, un peu comparable – si tant est que l'on accepte cette comparaison – à l'épisode historique des "hussards noirs". La légende et l'imagerie gratifiante en moins, car plus rares étaient les maîtres qui, en Nouvelle Calédonie, pouvaient se sentir parfaitement maîtres du jeu et professionnellement gratifiés par les résultats de leurs élèves.
Sociologues et historiens développeront ces thèses qui, pour nous, se résumeront à un seul constat : une formidable attente de solutions efficaces qui pourraient aider les maîtres à faire face aux difficultés pour reprendre la main dans les situations les plus critiques. Si la PMEV a pu répondre ici à leurs attentes, il n'est pas moins vrai que la PMEV a été portée par ces attentes.
Le problème de l'absentéisme
C'était un problème partout préoccupant, très lié à celui du rendement scolaire dont il pouvait être à la fois cause et effet. Si la nécessité et la volonté politique de le résoudre étaient fortes, les solutions habituelles restaient d'usage délicat. Pour mille et une raisons, les pressions administratives habituelles étaient de fait impraticables. On avait même atteint dans certains cas un stade où le retour en classe de quelques éléments consolidés dans l'absentéisme n'irait pas sans poser d'autres problèmes, et la seule solution consistait en un traitement pédagogique énergique mais encore hypothétique qui tenait de la gageure : donner à l'enfant l'envie d'être en classe et lui faciliter le comblement de ses retards.
Cette situation relativement critique avait cependant le mérite d'être mobilisatrice. Mais si les maîtres étaient prêts à s'engager, encore fallait-il que ce soit sur des perspectives efficaces et peut être audacieuses. La réforme des cycles n'offrait pas de solutions clés en mains, mais elle pouvait contribuer à les rechercher : faire en sorte que l'enfant ait envie d'être en classe, mais sans démagogie ; faire en sorte que le rattrapage des élèves en difficulté se fasse sans trop de problèmes et de surcroît, selon le bon usage administratif, à moyens constants…. Certes, mais comment …?
Le choc des cultures
Il est indéniable que le choc des cultures, source majeure des problèmes que nous avions à traiter, aura également apporté sa part dans la solution des problèmes posés.
Les colonisateurs avaient rencontré en Nouvelle Calédonie une culture un peu vite classée, au vu de ses outils, comme relevant de l'âge de la pierre, mais socialement avancée. Une culture qui ne connaissait pas l'écriture mais allait s'en emparer à son tour, qui ne connaissait pas davantage l'école mais savait pourtant transmettre ses savoirs, de génération en génération et depuis des siècles.
Si cette situation complexe ne facilitait pas la tâche des maîtres, elle allait contribuer à l'émergence d'une idée quelque peu iconoclaste puis favoriser un regard différent sur les dysfonctionnements de l'école. En se focalisant de façon trop radicale sur l'enseignement, l'école n'aurait elle pas quelque peu oublié l'apprentissage ? En développant son discours sur l'égalité, n'avait-elle pas sous-estimé des manières d'apprendre qui eussent pu aider d'abord à la mieux construire ? En cherchant à cultiver les Valeurs, s'était-elle bien libérée de préjugés pouvant l'empêcher de les construire ?
Sans entrer dans le détail, on retrouvait dans ces questions déviantes bien des apports des sciences de l'éducation, mais surtout une suggestion très marginale du Professeur Maurice Reuchlin dont la PMEV allait progressivement vérifier la pertinence et faire un point d'appui central pour repenser le fonctionnement et l'efficacité de l'école.
Epilogue
Les situations difficiles, on le sait, ont souvent été porteuses de progrès. Elles constituent la source jamais tarie de tout ce que les hommes ont imaginé au fil des temps pour maîtriser leur destin, ce qu'on appelle généralement la culture. La culture, ou les cultures, car celles ci sont diverses, souvent contrastées ou même parfois opposées. Mais, au delà du choc initial des cultures, apparaît alors une nouvelle vision du monde, et on peut constater que la PMEV le vérifie à son tour. A la mesure certes de ses modestes moyens et dans le cadre un peu restreint du monde de l'enseignement, mais avec un impact en termes d'efficacité des systèmes et de problématique démocratique qui justifiait une diffusion sortant de son cadre initial de référence.
Michel Monot, 2004« 5- Réponses au questions souvent poséesUn recours au manque d'autonomie des élèves en difficulté ? »
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